C’est un pont d’une effarante banalité mais sous lequel on y trouve parfois de superbes grafitis. Pourtant avant de déménager dans ce quartier, on m’avait prévenu « quoi déménager dans Hochelaga ? » C’est vrai que la réputation n’était pas volée, entre la prostitution, les junkies le tableau n’était pas rose… Depuis des condos (immeubles) y ont poussé, le quartier s’est quelque peu embourgeoisé mais il y a quelque chose qui n’a pas bougé, c’est ce pont… « des arts » .
Ce dernier abrite presque chaque week end des artistes débutants ou confirmés dont certains font preuve d’un talent indéniable. En l’espace de quelques années j’ai pu photographier un bon paquet de ces grafitis et j’ai pu identifier comme des sortes de thématiques qui reviennent sous différentes formes avec des identités visuelles bien affirmées. En effet on peut découvrir des scènes complètes, des portraits, des messages ou encore des compositions abstraites, des lettrages… certaines créations sont poétiques, sensuelles, d’autres comiques ou carrément trash…
Ce qui est intéressant c’est de voir autant de talent offert généreusement, sans que personne ne vous ait rien demandé. C’est de l’art gratuit et qui plus est… de qualité. Bon c’est clair qu’il est nécessaire de faire le tri mais quand même sur la quantité on trouve suffisamment d’exception.
Voilà maintenant près de cinq ans que je vis dans ce quartier et j’apprécie toujours autant de passer sous ce pont, ne serait ce que pour me laisser surprendre par la beauté de certains graffitis. Je crois que c’est ce mélange de talent et de gratuité qui rend cet art si touchant, si surprenant.
Je vois dans ce pont comme une métaphore une symbolique du quotidien, ou tout semble souvent d’une affligeante banalité mais qui sait parfois nous surprendre nous émerveiller. C’est une sorte de réveil d’électrochoc qui vous rappelle que vous êtes vivant et suffisamment en bonne santé pour profiter des belles surprises de la vie. Mais c’est aussi un moyen de faire savoir tout le potentiel créatif humain et qu’en plus ce potentiel peut être partagé au plus grand nombre; gratuitement et généreusement. En fait c’est de l’énergie libre créative semée sur les murs des cités.
Photo: Franck Billaud