Imaginez un établissement scolaire ou les cours commencent par une fanfare, où les élèves pratiquent activement la démocratie et où les débordements de joie sont courants. Un nouveau modèle éducatif en suède ou aux US ? Que nenni ça se passe en Haïti, dans l’institution Saint François d’Assise (ISFAGG), située dans la ville de Grand Goave. Oubliez l’image que vous pouvez avoir d’Haïti avec son cortège de misérabilisme, la population se bouge malgré d’évidentes difficultés au quotidien. Québec Inspire partage avec vous cette immersion dans la perle des Antilles. Le 8 janvier 2015 marquait les 5 ans du triste anniversaire du séisme en Haïti ou à l’ occasion du 5ieme anniversaire du séisme qui avait fait plus de 300 000 victimes (soit 25000 fois l’attentat de Charly) nous rendons ici hommage à Haïti avec un reportage réalisé fin 2014 à Grand Goave.
Une école vraiment pas comme les autres
L’institution de Saint François d’Assise de Grand Goave est surprenante à plus d’un titre, à commencer par son ambiance aussi joyeuse que contagieuse. Les rires des enfants y sont tellement fréquents que cela fait partie intégrante du quotidien. Pourtant une partie de ces jeunes vivent de grosses difficultés au quotidien (pauvreté, maltraitance, situation familiale difficile…). Située au cœur même de la ville, juste en face de la place publique, cette ‘institution accueille prés de 640 élèves dispense des cours couvrant le cycle complet du fondamental soient 9 années (une équivalence du primaire et d’une partie du secondaire français). Un des aspects les plus surprenants de cet établissement est la fanfare de l’école qui semble inaugurer chaque nouvelle journée comme un événement particulier en soi. Les élèves qu’ils soient petits ou grands écoutent avec attention l’orchestre et observent patiemment la montée des couleurs haïtiennes.
Pratique active de la démocratie
Tout aussi étonnante que la fanfare matinale aura été la campagne électorale menée dans l’institution par les élèves pour les élèves consistant a élire le comité central. Ce dernier gère la vie de l’école et fait le pont entre les professeurs et les étudiants en proposant également des projets. Chaque classe dispose d’un comité avec plusieurs étudiants impliqués et c’est le comité central qui orchestre le tout. L’engagement des élèves est vraiment surprenant. Ils ont mené une véritable campagne électorale avec des discours dignes d’un politicien engagé. Ainsi après le rituel musical matinal les potentiels élus proposaient leurs idées, comme par exemple la réalisation d’un journal ou d’autres initiatives. La popularité des candidats étaient facilement évaluable à l’applaudimètre ou de véritables scènes d’explosion d’enthousiasme se manifestaient. À plusieurs reprises je me suis cru dans un concert de Justin »Beber » avec un public en délire. Cette comparaison m’est évoquée par le fait que les filles sont majoritaires, puisque l’institution compte 643 élèves dont 75 % de population féminine. Au passage la société haïtienne compte 53 % de femme et sont majoritairement jeunes. Avec une telle configuration tous les espoirs sont permis.
La rigueur sans la rigidité
C’est ce qui caractérise l’enseignement de cet établissement le tout dans une ambiance chaleureuse. En effet cela a beau être une institution religieuse catholique, on y respecte toutes les religions et croyances, dont le vaudou qui occupe une place importante dans la société haïtienne. Ainsi chaque personne est respectée et écoutée sans jugement. Il en est de même pour les élèves qui vivent des difficultés familiales ainsi ils disposent en tous temps d’oreilles attentives avec en prime des encouragements à surmonter leur difficultés. Cela démontre que pédagogie et psychologie sont intimement liées.
La pratique du sport et de la musique ont également une place prépondérante dans cet établissement, rien d’exceptionnel me direz vous. Ce qui fait la différence c’est le contexte même de la pratique ou les étudiants sont investis corps et âmes et continuent après leurs heures de cour à pratiquer y compris les fins de semaine.
L’école étant constamment ouverte il y est fréquent d’y trouver du monde pour jouer avec enthousiasme de la musique ou encore pratiquer le foot.
Entre foi et bonne humeur rock n roll
Lorsque l’on m’avait parlé de Père Brice qui est le directeur et le prêtre de cette école je m’attendais à rencontrer un vieux bonhomme grisonnant, bedonnant, austère, bref ennuyeux. La réalité est toute autre et bouleverse totalement l’idée que l’on se peut se faire d’un prêtre. Le personnage est charismatique, la trentaine affable avec un dynamisme qui n’a d’égal que sa bonne humeur et sa détermination sans faille. Cette impression est grandement renforcée par son allure de rugbyman et un je ne sais quoi de »rock n roll » aux entournures. L’expression une main de fer dans un gant de velours lui va a merveille. Son acolyte Jean Kedner Dermine qui est le recteur de l’institution St François d’Assise est lui aussi étonnant quoique plus réservé au premier abord. Tout autant ouvert et chaleureux que le père Brice il possède une écoute sans faille des élèves et de ses collègues. D’ailleurs son bureau est constamment ouvert permettant aux étudiants de venir quand ils en ont envie. Comme on dit les deux faisant la paire, ils donnent le ton avec une direction jeune, enthousiaste, la tète pleine de projets en commençant par la réfection et l’agrandissement de l’établissement ou encore la mise en place d’un centre de savoir en collaboration avec le Québec (cela fera l’objet d’articles à venir). Il est évident que l’optimisme et la bonne humeur de notre duo a une influence bénéfique sur l’ensemble de l’établissement.

Père Brice Jean Robert Simbert Directeur de ISFAGG accompagné de Rose Marguie Lormil économe de l’ISFAGG
Voir Haïti autrement
Inutile de se le cacher le peuple haïtien en arrache pour joindre les deux bouts et le terrible tremblement de terre dont nous avons fêté le triste anniversaire en janvier 2015 n’a rien arrangé. Bien que le régime politique démocratique en place soit loin de faire l’unanimité cela n’empêche nullement aux haïtiens de se débrouiller au quotidien avec en prime un formidable élan de vie. En effet Ça grouille d’énergie Oubliez le misérabilisme le peuple haïtiens va de l’avant et se retrousse les manches. Tous les moyens sont bons pour s’en sortir a commencer par l’économie informelle qui représente un bon 90 % des activités du pays. Malgré le peu de moyen on construit tous azimuts on fait avec ce que l’on a et souvent avec gout. Le sens de l’esthétisme semble faire partie de l’ADN haïtien qui excelle dans les arts et l’artisanat il suffit d’y voir les œuvres (peinture sculpture…) exposées dans les rues de Port aux princes et sur certaines plages pour s’en convaincre.
Prendre exemple
Si l’occident demeure un modèle (illusoire) pour beaucoup de pays pauvres, notre civilisation devrait s’inspirer d’avantage de l’entrain dont font preuve les populations défavorisées. Ce qui est également surprenant c’est de voir très peu de gens quêter dans les villes et villages que ce soit en Haïti ou en Afrique . Si les itinérants sont fréquents dans les rues de Montréal ou de Paris il est beaucoup plus rare de voir des personnes désespérées vagabonder en Haïti, cela semble un vrai paradoxe compte tenu de la précarité généralisée d’une majorité de ces populations. L’idée n’est pas d’idéaliser un bas niveau de vie mais plutôt de rendre hommage, à un peuple qui a réussi a dire non à l’esclavage et qui a su panser ses plaies du séisme de 2010 (bien qu’ il reste encore de quoi faire). Autant dire que pour avoir survécu à tant d’horreur on ne peut qu’être admiratif devant tant d’énergie vitale et de joie communicative. Comme quoi on peut être un établissement scolaire avec beaucoup d’élèves dans un contexte défavorisé, avoir d’innombrables défis à relever et cultiver l’enthousiasme autant dans le personnel que chez les élèves. Décidément cette institution St François d’Assise de Grand Goave à beaucoup à nous apprendre…
Le facebook de l’institution St François d’Assise de Grand Goave c’est ICI
Le facebook du centre de savoir Grand Goave c’est par LA (faites un j’aime pour les encourager)